EuropaCity : un rapport conforte les opposants au Dubaï du Val d'Oise
À partir du 29/08/2017
Coup dur pour EuropaCity. Cet immense projet de complexe de loisirs et de commerces qui doit s'implanter dans le Triangle de Gonesse (Val-d'Oise), au nord de Paris, a reçu un avis défavorable pour l'urbanisation de la zone agricole sur laquelle il se situe. Une décision rendue dans le cadre de l'enquête publique sur la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de Gonesse, commandée en avril par le conseil municipal. Bien que consultatif, cet avis donne de l'air aux opposants au projet.
D'ici à 2024, le groupe Auchan et son partenaire dans l'affaire, le géant chinois du divertissement Wanda, prévoient la construction de ce gigantesque complexe de loisirs et de commerces sur 80 hectares de terres agricoles. Au total, 230.000 m2 de commerces, 2.700 chambres d’hôtel, 20.000 m2 de restaurants, 20.000 m2 de parc aquatique avec vague de surf, 30.000 m2 de snowpark avec piste de ski et 50.000 m2 de lieux culturels, dont un parc d'aventures. Un projet gargantuesque à 3,1 milliards d'euros qui vise 30 millions de visites par an, dont 6 millions de touristes. Soit la fréquentation annuelle de Paris ou le double de celle d’Eurodisney. Le début des travaux est prévu pour 2019.
Réticences en matière d'emplois et d'environnement
Comme souvent pour un projet de ce type, ses promoteurs font miroiter les créations d'emplois à venir. Ici Immochan, filiale d'Auchan, annonce 11.800 emplois directs. En avril 2016, Christophe Dalstein d'Immochan affirmait à Marianne que "trois quarts des emplois seront accessibles à niveau bac ou inférieur", argument béton lorsque dans les villes environnantes (Villiers-le-Bel, Garges-lès-Gonesse, Aulnay-sous-Bois ou Sarcelles), le taux de chômage dépassait les 15%, selon l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de l'Ile-de-France. Or l'avis défavorable critique le volet social et économique. Selon le rapport, "les objectifs en matière d’emploi" sont "peu en phase avec le niveau de formation local", donc peu créateurs d'emplois pour ces villes. S'ajoute à cela la crainte de la destruction de commerces alentours, happés par l'ogre EuropaCity. "Un transfert d'emplois impliquant la destruction d'autres sur les territoires voisins n'est pas compatible avec un développement équitable".
Sur le volet environnemental, le rapport rejoint une prise de position de Nicolas Hulot au début de l'été. Le ministre de la Transition écologique et solidaire estimait EuropaCity "pas compatible" avec le Plan Climat du gouvernement. Une position reprise par l'auteur du rapport, qui juge le projet "peu compatible avec la notion de développement durable". Ses orientations "sont incompatibles avec le pilier environnemental par ses impacts sur le changement climatique, la destruction des ressources et l’atteinte à la biodiversité". En effet, le site d'EuropaCity se situe au milieu d'une zone agricole inhabitable de 300 hectares.
"C'est une décision que l'on souhaitait mais que l'on avait du mal à espérer parce que les commissaires-enquêteurs ont rarement le courage de rendre des avis défavorables", réagit Bernard Loup, président du Collectif pour le Triangle de Gonesse, opposé au projet. "Mais le maire de Gonesse (Jean-Pierre Blazy, ndlr) peut passer outre et on s'attend à ce qu'il le fasse", relativise-t-il. Pour preuve, si elle repousse sa réaction officielle complète à plus tard, la mairie de Gonesse a tout de même affirmé sur son site : "Les conclusions du rapport ne sont pas de nature à remettre en cause le principe de l’aménagement du Triangle de Gonesse ni à même d’entacher la détermination de la municipalité à offrir une meilleure qualité de vie aux habitants de l’Est du Val d’Oise en général et aux Gonessiens en particulier".
Un projet alternatif respectueux de l'environnement
De leur côté, les opposants réaffirment leur volonté de voir le projet abandonné. "Il est nécessaire d’abandonner ce projet coûteux et destructeur, et urgent de passer des discours sur le développement durable aux actes pour l’avenir du Triangle de Gonesse", a réagi dans un communiqué le Collectif pour le Triangle de Gonesse. Ce dernier soutient le projet alternatif "d'économie circulaire en agro-écologie" porté par le Carma (Coopération pour une Ambition Rurale et Métropolitaine Agricole) et présenté en juin dernier. Celui-ci comprendrait entre autres le maintien de terres agricoles, un "hub de l'agriculture péri-urbaine" pour informer ceux qui voudraient se lancer dans un projet agricole, et un centre de recherches, d'innovations et de transfert de technologie sur l'agro-écologie et la sécurité alimentaire.
Pour le président du collectif, le rapport d'enquête devrait donner un coup de fouet à la mobilisation initiée en 2011. "C'est la première fois que quelqu'un avait obligatoirement à rendre un avis, et il est défavorable donc pour nous, c'est fondamental". Bernard Loup ambitionne maintenant d'organiser une manifestation dans la capitale. "Nous organiserons quelque chose à Paris d'ici fin 2017, ça c'est clair, même si on n'a pas encore défini sous quelle forme ni où".
source: Marianne, https://www.marianne.net/societe/europacity-un-rapport-conforte-les-opposants-au-dubai-du-val-d-oise